Excerpts of Z213 : EXIT

Trad. by Michel Volkovitch { Z213: EXIT }

[…]

Tu dors la nuit. La nuit tu te réveilles. Pas même l’ombre d’un arbre, un signe, quelque chose qui tienne debout. Désert. Sable. Comme toi ils dorment. Nuit. Chaque fois que tu te lèves tu attends le jour, c’est la nuit, tu dors tu te réveilles c’est la nuit. Qui dure plusieurs jours tandis que tu voyages. Comme si tu poursuivais la lumière qui recule à la même vitesse que toi tu avances. Comme ça depuis des jours. Puis c’est l’aube un moment, un moment. Une ligne sur l’horizon, lumière, ciel ou sable ou cendre, lumière plus forte, venant d’où tu ne sais pas, cela dure ainsi deux heures environ puis de nouveau la nuit. Ensuite même chose encore, tu ne peux plus compter combien dure ni le jour ni la nuit ni la lumière. Au début chaque jour la même chose à peu près puis de moins en moins à la fin tu crois voir aube et crépuscule en cinq minutes. Comme si le temps s’effaçait comme si rien ne mourait ici. Le jour train qui roule avant le tien, attend un peu, puis repart en avant. À peine si tu entends devant le sifflement comme le vent passant dans un tuyau. Tant que tu dors tu ne sais pas ce qui se passe, ce qui pourrait avoir changé tandis que tu dormais. Si le monde est différent à ton réveil, il était peut-être différent avant et tu ne t’en souviens pas. Et si c’est le même paysage, de toutes façons tu le vois peu. Ou tu pourrais ne pas t’en souvenir, te souvenir d’autre chose, tu dors, tu te réveilles tant de fois, si souvent, tu ne sais pas quand tu dors et quand tu te réveilles, pourquoi être éveillé, là tu dors peut-être, ce dont tu te souviens tu t’en souviens peut-être dans ton sommeil, te réveiller dans un rêve, te souvenir dans le rêve, c’est une autre mémoire d’autres souvenirs dans le rêve, tu peux avoir une vie à toi dans le rêve, tu te souviens qui tu es là-bas et ce que tu as fait, même si tu peux ne pas être celui que tu étais quand tu te réveilles tu ne doutes pas de qui tu es dans le rêve, même quand tu changes et tu changes tout le temps, tu ne te poses pas de questions, c’est ainsi naturellement, ce n’est pas étrange, tu changes tout le temps, ton corps, ce qui l’entoure, toutes choses partout, tu es un autre, mais tu es le même, lui. Telle est la continuité, tu voyages, dans ta tête peut-être, un monde en papier réel, Dieu qui fait monter descendre paysages et bâtiments, qui démolit, ouvre de nouvelles routes, ça ne lui plaît pas, il change encore, mais il n’y a pas une faille, son monde est un, et tu n’y vois ni faille ni contradiction, rien que la continuité. Une injection que tu oublies aussitôt, une membrane qui tombe lentement sur tes souvenirs, tout change, la mémoire change toi tu changes, une autre femme que tu cherches, tu ne sais si tu en voulais une autre, si tu avais un autre espoir, un autre but. Demain peut-être ce sera effacé par autre chose, le nouveau voile du monde, mais tu ne le sauras jamais, tu ne peux pas le savoir. Si ce que tu as fait est vraiment ce dont tu te souviens. Qui te dira ça. Ou ton histoire avant ça. Ou si le nom, celui que tu caches, s’il est un nom au bout d’une série de noms.

En tous cas, si je peux penser ici à moi-même il doit exister quelque chose d’autre dehors, ailleurs. Et même si cet ailleurs est dans mon cerveau mon cerveau n’est pas d’un seul tenant, n’est pas unique, il a un ici un là-bas, un dehors un dedans, autrement dit, dans un sens, il y a quelque chose là-dedans qui est hors de moi. Quelque chose hors de moi. Quelque part ailleurs. Même si je ne sais pas où ça peut être, où moi je suis, où je suis sur la carte, ce qui est ici ce qui est ailleurs. La pensée le dit par elle-même. Même si tout est différent et moi je ne me souviens pas, même si autour de moi tout est faux. Je suis ici, je ne suis pas là-bas. Deux mondes, étrangers l’un à l’autre. Puis l’espace, la distance, la route, même si moi je n’ai pas voyagé. La route existe.

[…]

Traduction : Michel Volkovitch

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